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Matière à dispute | Actu 24 | 06/08/2012 : Les mots ont la vie dure

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Une vie parfois bien plus dure, plus longue que les choses qu’ils désignent. Les choses qui sont des choses humaines, des objets techniques… Eux se transforment, ou leur usage change, mais pas leur nom.
Prenez l’auto, par exemple… Au début, comme elle n’avait ni toit, ni pare-brise, le chauffeur se trouvait totalement exposé à toutes les intempéries de l’air. Et quand le temps était frais, il n’avait pas chaud, le pauvre !
Le passager non plus, vous me direz ! Oui mais le passager, lui, il pouvait mettre ses mains dans ses poches. Tandis que le chauffeur, il devait tenir le volant, changer les vitesses, actionner tantôt le frein tantôt la trompe à poire…
Le chauffeur avait donc des gants pour prémunir ses précieuses paluches contre le froid. Et, une fois rendu, une fois rentré chez lui ou arrivé à l’étape, que faisait-il, notre automédon de compétition ? Il remisait sa voiture au garage et ses gants dans la boîte prévue à cet effet.
Elle était même tellement prévue à cet effet, ladite boîte, qu’elle s’appelait : boîte à gants. Et elle s’appelle toujours comme ça ! Le nom lui est resté.
Or – je vous prends à témoin, vous qui êtes des enfants de la civilisation automobile, qui êtes nés dedans… –, avez-vous jamais vu des gants dans cette boîte-là ? Non, hein ! On y trouve de tout, pourtant : les papiers du véhicule, des lunettes de soleil, un stylo qui a rendu l’âme, des vieux chewing-gums collés entre eux, des préservatifs, une lampe de poche toute cabossée qui, elle, se demande bien ce qu’elle fait là ?!… Mais des gants dans la boîte à gants, il n’y en a jamais ! Au grand jamais !
Un autre exemple, tenez ! Qui est, cette fois, à l’extérieur de l’auto… Regardez un peu les bas-côtés quand vous roulez dans la campagne qui verdoie. Vous voyez parfois un panneau portant l’indication : « Fauchage tardif ».
On dit encore, on dit toujours fauchage ; et pourtant l’engin qui opère aujourd’hui ce fauchage tardif, l’engin du cantonnier moderne, engin à moteur et à trois étages, n’a plus rien à voir avec la faux à main, au manche et aux poignées de bois ; la faux qui a traversé les siècles et tant compté !… Tant dans l’agriculture que dans les jacqueries : elle fut aussi bien un outil qu’une arme. Et elle reste un symbole des plus forts, cette faux – ou faulx – si bien nommée : le f initial du mot est la figure même de la chose et le l est comme le brin d’herbe, l’épi de blé.
Les choses changent – changent de forme ou changent de destination – mais les mots restent. Les mots, eux, gardent la mémoire des pratiques anciennes.
Les mots nous racontent ; nous transportent dans le temps… Comme les autos nous transportent dans l’espace !
Mais avec les mots, ce qu’il y a de bien, c’est qu’ils sont gratuits. Pas besoin de passer à la pompe ! Et il y a moins de risques aussi… On risque moins de rencontrer, comme l’oncle Archibald de la chanson de Brassens, sa Majesté la Mort, brandissant sa longue faulx d’agronome !

 

Par Zapf DINGBATS

Illustration : Palix
Paru dans L’avenir de Luxembourg | Actu24

 

10 août 2012 | Matière à dispute

 

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