La houlette et la boulette
La houlette a disparu. Nous ne la connaissons plus que de nom. Que par l’expression sous la houlette de… Qui signifie : sous la conduite, sous l’autorité, sous la guidance.
La houlette, c’est le bâton du berger. Un bâton aux fonctions multiples. D’abord il est utile au berger lui-même : il peut lui servir d’appui, soit dans des situations scabreuses, soit pour se reposer.
Mais il est aussi, ce bâton, l’outil indispensable au berger dans l’exercice de son métier, dans sa relation avec ses ouailles. Au point de désigner, par métonymie, le berger lui-même ; son état. Prendre la houlette, c’est devenir berger. Comme on dit prendre la robe de celui qui se fait moine.
La houlette permet au berger de rappeler à l’ordre la brebis qui voudrait faire sécession, qui pourrait s’égarer…
Elle est un instrument d’éducation et de coercition. Lorsque le besoin s’en fait sentir, si elle est habilement maniée par le berger, elle peut provoquer la réflexion chez l’animal… Elle permet d’agir efficacement mais sobrement. Quand le berger use de sa houlette, il le fait en toute discrétion. Il reste sur son quant-à-soi. Pas de cris, pas de grands gestes. C’est qu’il ne faut pas, pour l’écart d’une seule ouaille, alarmer tout le troupeau, le mettre en panique.
Et comment ça se passe alors ?
Je vous explique. La houlette est munie, à un bout, d’un fer concave et tranchant – un truc qui tient à la fois de la petite bêche et de la grosse cuillère… Le berger, dès lors qu’il a repéré une brebis qui s’écarte par trop du troupeau, a tôt fait d’armer sa houlette d’un peu de terre qu’il projette en direction de la sécessioniste. Celle-ci – pas très fute-fute – ne comprend pas bien ce qui lui choit sur le râble, ni d’où ça vient… Alors elle se ravise ; elle écoute son instinct grégaire qui lui dit qu’il vaut peut-être mieux rallier le troupeau, tout compte fait. Que c’est plus sûr ! Elle ne tient pas, comme la chèvre de Monsieur Seguin, à servir de casse-croûte au loup.
La brebis est moutonnière, dans le fond.
Mais la houlette ne fait pas que lancer. Comme son nom l’indique… Elle vient de l’ancien français houler qui signifie « jeter ».
Elle est munie aussi à son autre extrémité d’un crochet… Un crochet de contention, un crochet qui sert à saisir, à distraire une ouaille du troupeau. L’ouaille qui a l’air un peu patraque par exemple, qui boite, et qui nécessite une observation.
Et la boulette, alors, contenue dans mon titre ? Eh bien, je l’ai mise là parce qu’elle va de pair avec la houlette. Et plutôt deux fois qu’une !
La boulette, c’est… la boulette de terre, ma foi, lancée par la houlette ; et c’est aussi, c’est encore l’autre nom de la bévue, de l’étourderie commise par la brebis un peu follette. La brebis qui voudrait prendre l’escampette.
Par Zapf DINGBATS
Illustration : Palix
Paru dans L’avenir de Luxembourg | Actu24