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La puce à l’oreille, l’eau à la bouche et…

La puce à l'oreille

L’écrivain philologue Claude Duneton est mort. De tous ses livres, le plus célèbre, le plus populaire, c’est La puce à l’oreille ; une anthologie maintes fois rééditée, corrigée, augmentée, des expressions imagées. Il y raconte l’histoire de ces expressions, les circonstances de leur naissance. Il décrit leur forme, puis leur déformation parfois… Leur variation, leur glissement de sens…

Si Claude Duneton a pris un bout de l’expression avoir ou mettre la puce à l’oreille pour faire le titre de son livre, c’est parce que celle-ci, justement, montre bien les changements qui peuvent s’opérer… L’expression a eu longtemps, avec le verbe avoir, un sens érotique ; a évoqué le prurit amoureux. Deux vers de La Fontaine l’attestent on ne peut mieux : « Fille qui pense à son amant / Toute la nuit, dit-on, a la puce à l’oreille. »

Puis – surtout avec le verbe mettre – elle a fini par dire autre chose… Quelque chose comme : intriguer, alerter ; provoquer des doutes, du soupçon, du tracas.
Mais, à mon avis, il y a une autre raison qui explique le choix de Claude Duneton… C’est qu’il aimait les puces… Enfin, disons plutôt qu’il n’hésitait pas à en parler, lui. À montrer que, jusqu’à il n’y a pas si longtemps, il y en avait partout, dans toutes les classes… Tout le monde avait des puces.
Voyez sa biographie romancée de Lili Villepreux (1795-1871) : La dame de l’Argonaute, belle histoire d’une belle âme, d’une femme libre. Un destin exceptionnel !… À un moment donné de son histoire, Lili mène la dure vie de cousette ; elle loge dans un galetas du pauvre Paris. Glacé l’hiver, bien sûr. Mais quand ça va mieux côté température, quand revient le printemps, rappliquent aussi les puces. Des puces féroces et difficiles à chasser, les garces !
Claude Duneton, pour nous donner à voir, à connaître Lili, rend son époque au plus près, au plus vrai. Avec une rigueur extrême. Il y a, en fond, la grande Histoire – la fin de l’Empire, la Restauration… Tout ça fait le décor… Le décor et l’ambiance ; donne le ton. Mais il y a aussi les hommes, les femmes… Avec leurs mots, leurs chansons, leurs façons… Et… Et… leurs puces !
Des puces qui influençaient les mots, les chansons, les façons… Et le maintien de chacun, surtout !
Tenez, prenez Nicolas Sarkozy qui bouge tout le temps, même quand il doit rester sur place… Eh bien, Nicolas Sarkozy, on peut lui reprocher bien des choses : sa morgue, ses fautes de français, sa manière de conduire le char de l’État… n’empêche qu’il mime à la perfection l’individu qui a maille à partir avec son cheptel de puces. Ses puces embarquées. Embedded, comme on dit en franglish.

Mais Claude Duneton est mort… Si la langue est un banquet, alors Claude Duneton nous a drôlement bien ouvert l’appétit. Mis l’eau à la bouche. Et on va banqueter, continuer… Mais avec une larme à l’œil…

Par Zapf DINGBATS

Illustration : Palix
Paru dans L’avenir de Luxembourg | Actu24

2 avr 2012 | Matière à dispute

 

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