Grivèlerie
Le mot et la chose refont parler d’eux, ces temps-ci. On en reparle à la rubrique des faits divers. De plus en plus. Sans doute un effet de la crise…
Mais qu’est-ce que la grivèlerie, me direz-vous ? (Ne vous vexez pas si vous le savez… Je fais comme si vous me posiez la question, juste parce que c’est plus commode, après, de vous donner mon explication.)
La grivèlerie, c’est un délit. Du genre qu’on commet contre les propriétés et qui consiste à soustraire frauduleusement un bien qui ne nous appartient pas. C’est donc un vol. Un vol d’une certaine sorte. Que le Code pénal décrit à la perfection – mais le Code pénal, qui est un modèle d’écriture, n’a pas son pareil pour définir, avec une précision extrême, toutes ces choses – : « Quiconque sachant qu’il est dans l’impossibilité absolue de payer, se sera fait servir des boissons ou des aliments qu’il aura consommés, en tout ou en partie, dans des établissements à ce destinés… » Ce quiconque-là, donc, se rend coupable de grivèlerie.
La grivèlerie requiert, de la part du griveleur – celui qui fait des grivelées – des qualités toutes particulières. Si vous vous troublez facilement, si vous avez l’estomac qui se noue à l’imminence d’un événement fâcheux ou dangereux, il ne faut pas vous lancer dans la grivèlerie ; envisager cette manière de vous sustenter… Vous ne profiteriez pas… Pas bien !
Le griveleur – parce qu’il consomme le produit de son vol en même temps qu’il commet le vol – doit être à la fois calme, audacieux et doué de promptitude… Capable de réagir au quart de tour. Une fois le repas terminé, il s’agit de s’éclipser en douce et en vitesse.
L’action de griveler, le résultat de cette action s’appelle grivèlerie (ou grivelage) parce que la grive passe pour un oiseau pillard.
Aujourd’hui, le délit de grivèlerie est sorti du restaurant. Il est étendu à quelques autres vols comparables et mettant en situation l’auto…
On dit qu’il y a grivèlerie quand un automobiliste se sert du carburant dans une station et part sans payer. Ou quand un client se fait voiturer par un taxi et ne règle pas sa course.
Mais j’ai entendu un journaliste qualifier de grivèlerie un autre vol de carburant… Ce vol qui, lui aussi, se répand, se répète avec la hausse des prix ; et qui consiste à siphonner le contenu du réservoir des camions en stationnement dans des lieux ouverts, sans protection.
Non ! la bonne qualification de ce vol-là, c’est vol à la roulotte.
Et tant qu’on est dans les voleries en tout genre (volerie : action de voler, « La première volerie que je fis dans ma vie, dit Mandrin dans sa complainte, c’est d’avoir goupillé la bourse d’un curé… »), disons trois mots de cette volerie qui consiste à voyager dans le train ou le métro sans titre de transport. Parce qu’elle a aussi la cote avec la crise. En argot, elle s’appelle brûler le dur.
Par Zapf DINGBATS
Illustration : Palix
Paru dans L’avenir de Luxembourg | Actu24