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« Préparez-vous à être surpris ! »

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Ceci est une réclame d’une firme fromagère. Vanter, là, son petit dernier. Meilleur que le précédent, bien sûr ! Bien meilleur, à n’en pas douter !
Mais il y a quelque chose qui cloche dans ce qu’elle nous dit là… Elle se goure dans sa manière de nous appâter… Dans un même mouvement, une même phrase, elle mise sur l’effet de surprise et elle nous enjoint à nous préparer… À la surprise, donc ! Drôle de surprise !… Une surprise à laquelle on est préparé, ce n’est plus vraiment une surprise. C’est une surprise frelatée, éventée ; aussi surprenante qu’est secret le secret de polichinelle.
Profitons-en pour revoir de plus près le verbe surprendre, son histoire, ses avatars… Car il en vaut la peine ! D’abord, il a voulu dire, en parlant d’un phénomène, d’un événement : affecter, toucher une personne qui n’y est pas préparée. Par exemple : Alors qu’il était tout à la joie d’étrenner son nouveau vélo, monsieur le curé a été surpris par la pluie.
Ou ce peut être aussi une personne prenant sur le fait une autre personne, au moment où elle commet une faute, un forfait. Un acte délictueux, disons. Exemple – gardons monsieur le curé, tant qu’on y est ; il peut être très bon dans le rôle du délinquant – : Monsieur le curé a arrosé plus que de raison son nouveau vélo ; et il a été surpris sur la voie publique par les gendarmes dans le dernier des états, empochetronné comme ce n’est pas permis. Surtout pour un homme d’église !
Puis le verbe surprendre a servi à une troisième personne. Celle qui – continuons avec notre exemple de monsieur le curé, décidément parfait – celle qui, donc, a été témoin de la scène de l’arrestation… Monsieur le curé a récalcitré, le bougre. Il a donné des gnons aux gendarmes ; et juré comme un charretier. La personne témoin, voyant monsieur le curé se conduire en public comme un énergumène, pourra dire : Le comportement de monsieur le curé m’a beaucoup surpris.
Ici le verbe surprendre est synonyme d’étonner. Une synonymie que le dictionnariste positiviste Émile Littré refusait. Combattait avec la dernière énergie. Il paya même de sa personne pour ça…
Vous connaissez l’anecdote ? L’Émile avait beau être positiviste, parfois il ne se conduisait pas mieux que monsieur le curé. Enfin, il avait d’autres faiblesses, lui… Il en pinçait pour sa bonne. Tant et si bien qu’un jour madame Littré, qui, elle, avait de la religion, le prit en plein débordement. « Oh, monsieur mon mari, je suis surprise ! », dit-elle.
Monsieur Littré ne pouvait guère démentir : le déduit étant patent, le délit était flagrant. Mais il voulut quand même répliquer, avoir le dernier mot. Alors il se rattrapa à la langue française, à sa défense et son illustration. Et dit :
« Pardon ma chère, mais… non ! C’est nous qui sommes surpris ; et, vous, vous êtes étonnée. »

Par Zapf DINGBATS

Illustration : Palix
Paru dans L’avenir de Luxembourg | Actu24

 

30 avr 2012 | Matière à dispute

 

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