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Il faut être absolument moderne

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Rimbaud l’a dit. Et alors si Rimbaud l’a dit, hein ! ça ne se discute pas. Ça ne souffre pas la moindre contestation. Pas la plus petite réserve.
Le poète a toujours raison, mais… mais d’abord il y a poète et poète ; et Rimbaud, lui, c’est le poète des poètes. C’est le – lisez tout haut – Pémajusculeoète. (« Qui dit Rimbaud dit la poésie même », dit même de lui Alexandre Vialatte.)
Donc Arthur Rimbaud a forcément toujours raison. Mais, lui, il a raison plus que de raison.
Et moi alors, quand je veux me laisser aller à l’une ou l’autre tentation de la modernité, je me répète ce que disait l’oracle ; sa formule sacrée : « Il faut être absolument moderne » ; et hop ! je saute et je tombe à pieds joints dans le panneau.
Ah Rimbaud, Rimbaud ! que de bêtises ne commet-on pas en ton nom ?
Ainsi, dernièrement, sous le couvert de la modernité, je suis devenu Facebook. Adepte. Usager. Pratiquant de la chose. Accroc… ? Peut-être pas ? Pas encore, mais je trouve que ladite chose – étrange chose ! – a du bon. Elle m’agace parfois, au plus haut point, mais j’y ai pris goût. J’aime ce drôle d’observatoire où tout le monde présent est à la fois regardeur et regardant ; cette drôle de tribune où l’on s’exprime sans vraiment savoir à qui l’on parle, ou s’il y a même quelqu’un dans la salle… Et est-ce qu’il y a une salle, seulement ?
Mystère ! Mystère quant à la salle, mais ce qui est sûr, c’est qu’il y a des murs. Il y en a plein. Chacun a le sien. Et le mur, sur Facebook, parle. Il est même fait pour ça. C’est sa vocation. Le mur facebookien est un lieu d’accueil, d’échange, de partage. Comme une table ouverte, où chacun, chaque commensal apporte son écot. Alors est-ce que Facebook va changer la connotation, la compréhension, la charge symbolique du mot mur ?
On verra ! Le mur, c’est – c’était ? – la marque de la méfiance, de la défiance, même de l’hostilité. Du refus, de la séparation de l’autre. Ou de son rejet, carrément. On ne veut plus tel individu, il a failli aux règles de la société ; alors on le jette, on l’enferme en prison.
Le mur, c’est ce que l’homme a imaginé, a construit pour isoler les hommes entre eux. Et le contraire du mur, c’est le pont. Le pont qui, lui, relie ; franchit les obstacles naturels qui séparent les hommes. Qui éloigne les hommes des hommes.
Isaac Newton disait : « Les hommes construisent trop de murs et pas assez de ponts. »
Enfin Facebook vint. Et il inventa des murs qui sont comme des ponts.
C’est bien beau mais… je reviens à ma préoccupation première : que va devenir le mot mur, dans tout ça ? Facebook, c’est étonnant, est en train de changer le sens des mots. De certains mots. Le mot mur va sans doute s’adoucir.
Quant au mot ami… N’en parlons pas. Le pauvre !… Lui, il fait pitié. Il est ruiné.

Par Zapf DINGBATS

Illustration : Palix
Paru dans L’avenir de Luxembourg | Actu24

13 avr 2010 | Matière à dispute

 

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